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Barque de La Valette sur la Truyère

La Valette
En Margeride (Lozère)

CHAPITRE I : Les origines

CHAPITRE II : L’âge d’or

CHAPITRE III : Le déclin

CHAPITRE IV : Aujourd’hui

CONCLUSION

les coauteurs
les sources

Chers frères barrabans, nous avons entrepris pour votre plaisir, de conter l’histoire des vieilles pierres si nombreuses en Lozère. Ces vieilles pierres, sur lesquelles se sont posées tant de regards à jamais éteints, nous émeuvent. Malheureusement elles ne parlent pas, elles qui en ont tant vu.
    
Ce que vous allez lire, chers lecteurs est l’histoire d’un château bâti au début du 18° siècle par Rotguié (ou Roguié ou Roguier) de Fermus, avocat au parlement de Toulouse. Rotguié possédait déjà le domaine de Fermus. Probablement  richissime, il voulut s’agrandir - « le rêve humain » - Il acheta La Valette, y fit construire le grand château; ce n’était pas qu’ « une simple maison bourgeoise du 18° siècle ». Des nuées de gens travaillèrent pour lui. Il prit alors le nom de la terre, s’anoblit, devint Rotguié de La Valette, nom qu’il transmit à ses descendants, jusqu’à Mademoiselle Julie Rotguié de La Valette et l’abbé Romain Rotguié de La Valette.

Ainsi s’éteignit en 1904 la célèbre famille, d’abord très riche puis ruinée par les procès de la vieille demoiselle citée plus haut, qui se faisait gruger par les hommes de loi. « Un mauvais arrangement vaut mieux qu’un bon procès » dit l’adage. Voir les plaideurs de Racine.

Cette histoire, point du tout banale, point du tout dramatique, plutôt amusante, nous avons entrepris de la raconter ici pour votre plaisir.

Notre satisfaction serait grande si nous réussissions. N'hésitez pas à nous le dire en nous écrivant : peter.combes@wanadoo.fr

début

LES ORIGINES (ou la chasse aux souvenirs)

Les Bords de la Truyère Scieurs de long au bord de la Truyère

Avant 1700 (je cite André Paulhac):  « les anciennes bâtisses dateraient en fait de bien avant le 18° siècle. On m’a dit qu’elles auraient été construites à la même époque que la Tour d’Apcher  (du temps des barons d’Apcher qui régnaient sur tout le secteur). On m’a fait remarquer que les grosses, très grosses pierres en granit qui servent à la base des fondations ne peuvent pas toutes provenir des rochers environnants et que certaines pourraient provenir d’Apcher. Elles ont, semble-t-il, la même configuration que celles ayant servi à édifier la Tour d’Apcher . On trouve dans le même style le château de Verdezun près du Malzieu lui aussi construit sur un monticule près de la truyère ».

Comment ils construisaient ? Il fallait de la pierre, du mortier, des poutres, des planches, des lauzes pour la toiture.

La pierre : Il y a des siècles, on n’avait pas de la dynamite pour extraire la pierre de la carrière. On creusait des trous avec le ciseau en fer, le marteau. Puis on introduisait de force des coins de bois sec. On arrosait. Le bois gonflait, se dilatait, provoquant l’éclatement de la roche. On ramassait les blocs qu’il n’y avait plus qu’à tailler à la main. Ainsi ont été extraits les immenses blocs des pyramides d’Egypte taillés et si bien  accolés que sur une longueur de 10 m on ne passe pas la lame d’un couteau.

Le mortier : Le ciment ne date que d’environ 100 ans. Auparavant il y avait le mortier, un mélange de chaux, de sable et d’eau en proportions convenables.
  • La chaux est obtenue en calcinant  à 900 °C le calcaire dans des fours à chaux : CaCo3 ----> CaO (chaux vive solide) + CO2
  • La chaux vive est mise au contact de l’eau suivant l’opération dite d’extinction de la chaux : CaO  + H2O  --->  Ca(OH)2 (chaux éteinte - poudre blanche) + chaleur
  • Ensuite, la chaux éteinte est mêlée à du sable et l’on obtient du mortier que l’on étale à la truelle. A l’air : Ca(OH)2  + CO2   ---> CaCO3  (carbonate de calcium solide) + H2O (évaporation)
Tout ce qui est ancien a été construit au mortier à la chaux. Parfois le mortier était mêlé à la terre, très bon isolant. Les pierres sont taillées et ajustées si bien que l’ensemble ne tombe pas et tient droit. On voit souvent au Malzieu, ancien pays de maçons, des murs ventrus. Les pierres ont glissé sur la terre mais cela tient toujours. Le mortier à la chaud est encore utilisé. Mais la chaux n’est plus fabriquée. On reçoit des sacs de chaux vive, poudre blanche qu’il faut « éteindre » avec de l’eau.

Les planches, les poutres : l’arbre est abattu dans la forêt. Les scieurs de long en font une poutre. La poutre peut être à la scie débitée en planches. Nous sommes loin de la machinerie moderne.

Enfin les lauzes, sur les toits, qui reposent sur un lit d’argile. A l’époque, les clous faits un par un à la forge, coûtaient très chers et l’on préférait la solution moins coûteuse de la couche d’argile. Cette dernière, si elle assurait une bonne étanchéité, avait pour inconvénient d’être très lourde, environ 150 kg au m2, ce qui faisait doubler le poids des lauzes.

En somme, pour tout cela, du sang, de la sueur, des larmes. Et l’or du seigneur pour financer et payer les maigres salaires.
    
Redonnons la parole à André Paulhac : « Ma grand mère et Louis Brunet  m’avaient dit que la grande bâtisse (probablement édifiée ou restaurée par Rotguié - voir ci après-) comprenait à l’origine 3 niveaux :
  • presque en sous sol, les caves, les ‘oubliettes’, une chapelle. Car, parait-il, un curé de Prunières venait dire la messe une fois par semaine dans cette chapelle. Ces dires semblent être prouvées par une récente découverte faite par le médecin nouveau propriétaire de la maison De Flers, qui en faisant des travaux de restauration sous le monticule d’accès à la grange, a découvert des pierre taillées semblant provenir des ruines d’une chapelle . Le mot ‘’oubliettes’’ que j’ai tellement de fois entendu prononcer par les  anciens de ce village, seraient des salles où on aurait enfermé à l’époque des guerres entre barons d’Apcher et autres ... les personnes indésirables. Ou tout simplement, ces locaux servaient peut - être comme chambres de ‘passage’ pour les ‘voyageurs’  venant des régions lointaines. Servaient-elles aussi de lieu de refuge à des domestiques venus pour les travaux des champs ?. Nous ne disposons pas de véritables preuves. Il s’agit simplement d’indications rapportées par les anciens. Ces derniers d’ailleurs n’étaient pas avares pour raconter des histoires paraissant invraisemblables. Le fait par exemple qu’en bordure de la Truyère, à hauteur du village de Prunières, se trouve un rocher près duquel vivait une communauté de fadettes.
  • Pour en revenir au château de la Valette, à un deuxième niveau, c’est à dire au rez-de-chaussée, se trouvaient principalement 2 écuries, 2 bergeries et 2 appartements de maître : plus tard, l’endroit occupé par Chassefeyre et la maison de Nègre.
  • Au troisième niveau, l’étage supérieur aménagé plus tard  en 2 parties habitables : l’appartement de Louis Brunet et celui de Brassac.
Enfin, pour terminer, sur la gauche et complètement à part, il faut citer la grande bâtisse aménagée par les De Flers .

Qui habitait à La Valette avant l’arrivée des Rotguié ? Nous avons vaguement entendu parler d’une famille Bouty ou  La Bugy, mais nous ne pouvons pas situer l’époque. Il faudrait consulter les registres très anciens des notaires du Malzieu sur lesquels devraient être consignés les droits de bail, les actes de cession ou d’acquisition de terrains, maisons ou autre».
 
Maintenant, je raconte ce que m’a dit Jarrigion : Rotguié de Fermus, avocat au Parlement de Toulouse, qui possède déjà le domaine de Fermus (au dessus de La Valette, près de Prunières), fait construire le château, achète l’immense domaine, des centaines d’hectares, toute la vallée en somme jusqu’à Prunières. Il prend alors le nom de Rotguié de La Valette, nom que vont porter ses descendants. Nous pensons qu’il vient passer son été au château depuis Toulouse, 15 jours de voyage en carrosse sur des chemins malaisés. A La Valette, les hommes ne s’ennuient pas : chasse, pêche, promenades à cheval ... On dit même qu’ils abusaient  de jolies bergères.

Les dames devaient faire de la tapisserie au château, dire des prières à la chapelle.  Tout le monde était très pieux. La vie était certainement moins amusante pour elles que pour les messieurs qui menaient joyeuse vie. Naturellement, domesticité, bouviers, maîtres, valets, palefreniers à l’écurie, dispensaient  ces personnages favorisés par la fortune de tout tracas matériel.

Rotguié Premier, à sa mort, est enterré à l’église des Cordeliers devenue l’hôtel du Pont à St Chély d’Apcher. C’est la règle à  l’époque : les nobles  ensevelis à l’église, la roture mise dans la terre entourant l’église. Mais heureusement qu’il y a la grande égalité de la mort qui nivelle tout.

Rotguié Deuxième est capitaine aux gardes du corps de Louis XV. Il se marie dans la chapelle du château. Certainement grande fiesta, repas, beuveries ... Malheureusement les vieilles pierres ne parlent pas. Ce deuxième Rotguié, à sa mort sera enterré dans l’église de Prunières.

La famille continue jusqu’en 1817 où le seigneur et sa femme (Pierre Gabriel et Marie Rose Durand) décèdent. Partage des biens, disputes entre les cohéritiers et finalement partage du domaine en 4 ou 5 lots, je crois 4, André Paulhac dit 5 dont la partie de Mlle de La Valette, maison neuve à gauche en entrant; la partie de Chassefeyre père et de ses 4 fils constituée  du vieux château au fond à gauche avec le pigeonnier.

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L’AGE D’OR : Mlle de La Valette et Chassefeyre

Mademoiselle Julie Rotguié de La Valette est née le 13/02/1815 à Langogne (Lozère). Elle était la fille de Pierre Gabriel Rotguié de La Valette et de Marie Rose Durand. Elle est décédée à La Valette le 19/12/1904. Elle était plus connue sous le titre de « comtesse de La Valette ». La grand mère de André Paulhac (Nathalie Robert) née en 1870 à Sainte Eulalie (Lozère), avait été depuis l’âge de 15-16 ans la « servante » ou « femme de compagnie » de Mlle de La Valette. Cette grand-mère qui sera un jour Madame Paulhac, ne disait que du bien de la famille Roguié qui était très pratiquante et bienfaitrice de l’église Saint Capraix de Prunières. Une cloche de cette église a même été offerte par la « comtesse ». Cette Madame Paulhac avait vu et connu  La Valette dans sa splendeur : allée de 8 m de large devant la maison, bordée de frênes; bétail laissé à Fermus pour ne pas être gêné par les odeurs; pépinière d’arbres fruitiers ...

Mlle de La Valette était un peu naïve. Chassefeyre père (dont on parlera plus loin) la faisait marcher. Elle avait l’habitude, dans sa petite voiture verte tirée par un âne, de se rendre à Prunières puis au Malzieu voir ses hommes d’affaires pour les procès dont elle avait la manie et où elle se ruinait. La fortune Roguié n’était pas impérissable et Mlle de La Valette est morte pauvre. Elle avait un cousin, commandant de marine , célibataire qui prit sa retraite au Malzieu. Il y fut enterré en haut du cimetière. Mlle de La Valette et son frère Romain, curé dans l’Indre, sont les derniers descendants de la famille Roguié de La Valette. 

Nathalie Robert citée plus haut, a épousé Frédéric Paulhac du Vernet. Le nouveau couple s’est installé à La Valette ;   ils ont exploité à titre de fermiers le domainequi deviendra plus tard   propriété du Marquis de Flers (à partir de 1936). Victor Paulhac, fils unique, père des 2 coauteurs, a continué l’exploitation de la ferme, après le décès de ses parents et  jusqu’en 1973, date à laquelle il prend sa retraite. Victor Paulhac a eu 7 enfants dont les 2 coauteurs. Entre temps, Monsieur de Flers a vendu sa part de La Valette.
Nous en arrivons à  Chassefeyre. Citons  André Paulhac : « J’ai personnellement connu, dans mon tout jeune âge, Félix Chassefeyre (Chassefeyre fils) sur lequel à lui seul on pourrait écrire un roman. C’était un homme qui cherchait des histoires à tout le monde. Sur sa tombe, au cimetière de Prunières, figure l’inscription : « Ici repose Chassefeyre, Pradi, de La Valette, le grand pêcheur de la Truyère ». On aurait pu ajouter : « Le plus grand braconnier de la Truyère  ». Il est décédé en 1939 à l’âge de 89 ans.

Félix Chassefeyre

Félix Chassefeyre

Chassefeyre père, connu par ses procès  avec Mlle de La Valette, avait 4 fils dont notre héros. Que sont devenus les 3 frères ? nous l’ignorons. Tous les matins, Chassefeyre père faisait faire la prière aux 4 fils et leur disait : «  Mes fils, surtout ne portez jamais la main sur un garde ». En effet, tous ces Chassefeyre braconnaient. Et les gardes en intervenant ne faisaient que leur métier. L’abbé Rousset de la Rouvière qui venait en barque pêcher à La Valette avec sa nièce nous disait : « braconner n’est pas un péché ». Mais de part et d’autre, entre les Chassefeyre et les gardes, on se mettait en colère d’où les risques d’en venir aux mains. Or, c’est très grave de frapper un agent de la force publique dans l’exercice de ses fonctions. Prison ? Certainement et casier judiciaire annoté. Chassefeyre fils une fois, s’était fait attraper par les gardes 6 fois en 4 jours ! Par la suite, va nous dire André Paulhac, gardes, gendarmes avaient renoncé à aller à La Valette abandonnant Chassefeyre dans son fief où il pêchait comme il voulait, utilisant la traîne, l’épervier, matériels pourtant  rigoureusement prohibés.
Revenons à Chassefeyre père. André Paulhac : « De nombreux écrits ont confirmé que Chassefeyre et les Rotguié ne cessaient de se traduire en justice et ce parfois pour des motifs insignifiants. Un arbre coupé, un mur écroulé, un droit de passage non respecté et c’était motif à engager des poursuites judiciaires devant les tribunaux. Ces deux familles n’ont cessé de s’opposer. Personnellement, je n’ai pas été témoin de ces événements puisque à mon époque les Rotguié ne possédaient plus rien à La Valette. Mais mes grands parents m’ont fait état de ces événements ».
Un document venant de l’étude de Jalbert fait état d’un procès fait en 1867 devant le tribunal de Marvejols à Chassefeyre père qui en l’absence de Mlle de La Valette passant l’hiver chez son frère l’abbé de La Valette curé dans l’Indre faisait les 400 coups dans la propriété de la susdite. Chassefeyre fut condamné à 1000 francs or de dommages et intérêts. il paie.

Puis, on se réconcilie et Chassefeyre fils, le héros de cette histoire, monte à Paris chez Mlle de La Valette en 1871. Il assiste à la commune, voit flamber les Tuileries. A cette époque, Napoléon III était très populaire dans les campagnes. Les vieux au coin du feu, racontaient à la jeunesse avide, une bonne bouteille aidant, les grandes batailles de l’empire auxquelles ils avaient participées. Chassefeyre  me disait parlant de l’époque impériale : « Mais on vivait bien à cette époque, un veau se vendait 7 francs or ».
Ecoutons à nouveau André Paulhac : «  C’était un homme assez grand, portant une impressionnante barbe. Au coucher du soleil, il descendait vers la rivière emportant avec lui un panier plein de filets de pêche, filets qu’il disposait judicieusement dans le lit de la Truyère aux endroits précis où il avait repéré le passage de grosses truites ou de bancs de goujons. Braconnier de premier ordre, il savait tout sur le comportement des poissons. « C’est le vent du midi » me disait-il ; « cette nuit ça va être bon  » ; ou bien « c’est le vent du nord, la prise sera maigre ». Il ne se trompait pas, sa récolte était fonction du temps. Il rentrait chez lui tard le soir. Car c’était bien rare qu’en longeant la rivière il n’avait pas été retardé pour observer une loutre ou quelque autre animal. Il se plaignait souvent que les loutres causaient des dégâts à ses filets ». Il avait dressé 2 loutres qui allaient lui chercher les poissons. Il a même eu l’occasion de les montrer au préfet à Mende.
Un jour, Chassefeyre attrape une pneumonie. On appela le docteur Vialar du Malzieu, confrère de mon oncle le docteur Fernand Vincens à St Chély.   Vialar, avec sa brusquerie, dit à Chassefeyre : « Tu es foutu ! ». Réponse de Chassefeyre : « Doucement, doucement; je vais me soigner à ma façon ». Il enlève alors à une loutre tuée sa peau, s’enveloppe la poitrine et garde la peau de loutre jusqu’à pourriture. La peau est tombée. Chassefeyre est guéri. Une autrefois, Chassefeyre couché dans le foin fut mordue par une vipère aux parties génitales. Gonflement tellement important qu’il eut l’impression d’avoir des bouteilles ... mais il guérit !
Chassefeyre fils a eut  9 enfants dont un fils tué en 14-18 . Son nom est inscrit sur le monument  de Prunières. Une fille s’est noyée dans un puits.  Désespéré, Chassefeyre s’en prit à sa femme Eulalie, pourtant une bien brave personne. Mais, il fut heureusement calmé par les voisins.

Félix et Eulalie Chassefeyre

Félix et Eulalie Chassefeyre

Un jour, le fusil lui explose dans les mains avec pour conséquences plusieurs morceaux de plombs dans le corps. Chassefeyre m’avait  montrait les radios et me disait ( il était de nature pessimiste) : « quand les plombs arriveront au coeur, je serai foutu ! » Ce qui n’arriva jamais. Les mauvais esprits dirent que Chassefeyre s’était mutilé volontairement pour ne pas aller au service. Nous n’en croyons rien.
Une fille de Chassefeyre épousa Vidal de St Chély et le petit fils fut le facteur « Fan Fan » très connu à St Chély sur la route de Termes. A  la mort de Chassefeyre en 1939, Madame Chassefeyre se retira chez sa fille Madame Vidal à Tatula. Revenons à André Paulhac : « Il est vrai que c’était pratiquement son gagne pain car Pradi ne pêchait pas uniquement pour se nourrir. Il allait vendre son poisson aux restaurants de St Chély (et au Lion d’or en particulier). Au lever du jour, Pradi partait relever ses filets. Je le voyais souvent revenir portant dans son panier un grand nombre de belles truites. Il était alors fier de lui  ».

Chassefeyre aimait bien  mettre quelques exagérations dans ses récits ou si vous préférez « étoffait » l’histoire vraie. Mais on a dit : « Le souvenir est un poète, n’en faites pas un historien ». La fragilité du témoignage humain ! N’allons pas discuter ici de la vérité historique. Tout le monde sait que l’on peut faire dire ce que l’on veut à l’histoire en tirant de son côté. Pilate en livrant le Christ a dit aux juifs : « La Vérité (avec un grand V ) où est-elle ?  Il y a l’absolu et le relatif. Donc Chassefeyre me disait : « Monsieur Combes, si toutes les truites que j’ai pêchées étaient dans les rues de St Chély, les gens ne pourraient plus sortir ».  Il faut dire qu’à cette époque la Truyère n’était pas polluée comme aujourd’hui et qu’il y avait abondance de poissons. Pradi ne pêchait pas uniquement avec des filets; il pratiquait aussi la pêche à l’épervier, grand filet circulaire lesté par des plombs que l’on lance d’un mouvement circulaire. Il pêchait aussi à la traîne, long filet qui traverse la rivière et qu’on resserre pour emprisonner le poisson de taille. L’hiver, il cassait la glace pour pêcher.

Revenons à André Paulhac : «  Malgré ces pratiques illicites, je ne me souviens pas que Pradi se soit fait prendre par les gendarmes pour braconnage. Il faut dire qu’à La Valette je n’ai pas souvent vu les messieurs de la Maréchaussée. On se demande même s’ils savaient qu’un tel village existait sur leur circonscription !! »

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LE DECLIN

Le pont

Il existait autrefois un pont en bois au-dessus de la truyère qui permettait de relier Prunières - La Valette et St Alban. Hélas, les inondations du terrible hiver de 1940 ont emporté la digue et le pont. Ce dernier ne fut plus jamais reconstruit.

Nous voilà en plein 20éme siècle. Les Rotguié ont disparu. La Valette est alors habitée par plusieurs famille : 5 au maximum ce qui correspondait à peu près au nombre de fours à pain ayant existé :

  • Les Paulhac au service depuis quelques générations des Rotguié puis des de Flers.
  • Les de Flers qui ont succédé aux Rotguié à partir de 1936.
  • Les Chassefeyre qui n’ont cessé durant les années 1800 de se quereller avec les Rotguié (conflits plusieurs fois portés devant la justice) et ce parfois pour des motifs insignifiants.
  • Les  Nègre qui avaient fait construire une belle maison sur le rocher dominant le plan d’eau, côté soleil couchant.   La nombreuse famille Combes est surtout reconnaissante aux Nègre de l’avoir hébergée dans leur grange durant des congés d’été inoubliables. Madame Nègre avait pris l’habitude de nous apporter le matin du lait cru.
  • Il y avait aussi le meunier Louis Brunet. Je cite André Paulhac : « Il habitait tout en haut du château. On devrait dire de la plus haute des bâtisses. Au-dessus de l’écurie des Nègre. Il fallait emprunter un escalier très étroit, qui ne finissait pas de tourner, pour arriver chez lui. Son épouse très malade était toujours alitée (à mon époque).

Ce Louis Brunet qui n’avait qu’un très petit terrain à cultiver s’occupait principalement à faire fonctionner son moulin situé près de la digue au sud près du grand pré, à la limite des 3 cantons de St Alban - St Chély - Le Malzieu, direction les Cayres. Cet homme, très actif s’occupait à la fois du moulin et de son épouse infirme. Il connaissait beaucoup de monde de la région, du fait qu’il recevait du blé de pas mal de paysans des villages voisins c’est à dire de Prunières, Apcher, Les Cayres, Les Pinèdes, Fermus, La Rouvière, Chabanes des bois et Mont de Pages. Depuis son décès, le moulin ne fonctionne plus; c’est aujourd’hui une ruine sur laquelle ont poussé ronces et arbres . »

Ce 20eme siècle a vu l’effet du temps sur la dégradation des bâtiments et la disparition progressive des familles citées plus haut. Je cite de nouveau André Paulhac : « Selon les écrits que je  possède, c’est en 1917, au mois de  novembre, que la grange de notre maison s’est écroulée. A cette occasion, ma grand mère Nathalie a été légèrement blessée par la chute d’une poutre. L’hiver 1917 - 1918 fut désastreux pour mes grands parents qui ont vu leur récolte de foin anéantie sous le poids de la toiture. Ils ont été obligés de vendre le cheptel. Pour refaire le plancher et la charpente ils ont dû couper un bois entier appelé ‘l’issard’ situé sur les hauteurs presque à la limite des terres direction Aubusson.

La maison, l’écurie et la grange de Chassefeyre se sont complètement écroulées. Avec cette maison, a disparu une très belle cheminée en granit sculpté qui embellissait la grande salle à manger . Je me souviendrai toujours de ce cadran solaire situé sur le pan du mur, face au soleil. N’ayant pas de montre, c’est vers lui que je fixais mon regard, pour savoir si c’était l’heure d’aller chercher les vaches au pré. En fait, ce cadran solaire situé sur le chemin Prunières - La Valette - La Rouvière - St Alban servait à tous les gens de passage et surtout aux pêcheurs. Il était indispensable à l’époque. Ce cadran solaire a malheureusement disparu. »  André Paulhac, dans son récit, a souligné que les messieurs de la maréchaussée ne descendaient pratiquement  jamais à La Valette (ce qui laissait donc totale liberté à Chassefeyre pour braconner). Laissons lui de nouveau la parole : « Franchement je me souviens une seule fois les avoir vu à La Valette; j’avais 5 ou 6 ans en 1939 - 1940 lorsqu’ils sont venus ‘clouer’ sur la porte de notre grange l’affiche portant l’ordre de la mobilisation générale. Le geste m’a beaucoup marqué, tellement il a été fait avec une grande rigueur. Je me souviendrai toujours de cette phrase de l’un d’eux : « Maintenant c’est décidé .... il faudra y aller ». « Qu’on se le dise ». Mon grand père qui se souvenait de ce qui s’était passé en 1914 - 1918, avait les larmes aux yeux.  Quant aux femmes elles pleuraient.

Louis Brunet, le meunier qui avait fait la guerre de 14 - 18 , se demandait s’il ne serait pas obligé de repartir. Baptiste Nègre et Pierre Brunet (frère de Marie Brunet) ont été mobilisés. Seul, Baptiste est revenu vivant, Pierre Brunet est mort au front. Mon père qui avait à cette époque 4 enfants en charge a été requis d’aller travailler à l’usine métallurgique de St Chély. Tout ceci n’est que de l’histoire contemporaine mais il faut que je souligne ces faits qui ont marqué ma jeunesse. Quelle drôle de jeunesse !! Nous avons connu l’électricité qu’à partir de 1946. Qui dit pas d’électricité, dit sans radio, sans réelle information, sans appareil électro-ménager, sans téléphone. Le facteur ne passait qu’une fois par semaine, pour apporter le journal « La Croix de Lozère », devenu par la suite « La Lozère Nouvelle » et puis, quelques rares lettres que nous recevions de la parenté partie dans la région parisienne.Le médecin, à qui on faisait appel qu’en cas de grave problème de santé n’osait pas descendre dans ce trou perdu du bout du monde. En hiver, pas question d’emprunter ce chemin en voiture. »

Vue sur la Truyère

Une vue sur la truyère

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LA VALETTE AUJOURD’HUI

Aujourd'hui
Aujourd'hui

Des ruines. De beaux murs, remarquables par leur aplomb vertical côté Truyère que me faisait déjà admirer Chassefeyre. Ils  savaient bâtir nos ancêtres, sans machines et avec des moyens sommaires. Beaucoup de peine, de sueur, de foi en l’avenir. Il fallait transporter et monter ces pierres. il fallait scier et monter les poutres .... S’agit-il d’un chef d’oeuvre en péril à retaper comme c’est courant ? Je ne crois pas. Mais si j’étais milliardaire je foncerais sans hésitation. 
Deux maisons restent habitées à La Valette :

  • Celle de Monsieur Chalier, qui a été construite par ce dernier près de l’emplacement de l’ancien pont sur la truyère. Monsieur Chalier est un remarquable ouvrier ébéniste dont j’ai admiré le travail. Et permettez moi une confidence : mon arrière grand père était menuisier ébéniste à Millau, dans l’autre siècle. De lui, je dois sans doute le goût du travail manuel bien fait.
  • L’autre maison est celle du Docteur Fouissac de St Alban, maison de campagne. Le Docteur Fouissac a lui même retapé l’ancienne habitation des Paulhac, faisant crépis, charriant les matériaux avec son camion. Le Docteur Fouissac est conseiller municipal à Prunières sous la férule de Monsieur Odoul.
Le chemin Prunières - La Valette autrefois impossible est maintenant goudronné depuis 1996. Autos et camions passent aisément. La Valette est ainsi à 2 km de Prunières.

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